MÉMOIRES D'UN STAGIAIRE

D'habitude, les responsabilités d'un stagiaire vont de la direction de la photocopieuse au bon fonctionnement de la machine à café. Bien qu'étant dans un incubateur au sein d'une petite start-up, ce ne sont pas ces activités qui devraient manquer. Et pourtant...

La première souffrant d'une carence chronique de papier, il n'y a pas matière à s'y attarder ; la seconde n'étant plus en état de marche, sans doute que la garantie a expiré, elle n'est pas la principale source de mes préoccupations.

Après tout, on me demande de produire du contenu alors je m'exécute. J'obéis aux ordres. Et plus j'obéis, plus je ne peux m'empêcher de trouver des traits communs entre mes donneurs d'ordres et les militaires.

Souvent, chez les militaires, le grade érode la finesse d'esprit parce qu'ils se retrouvent prisonniers de schémas psychologiques infernaux : à partir du moment où tout le monde vous obéit sans sourciller, vous perdez votre objectivité. L'obéissance étant la structure même de la vie militaire, il est difficile de ne pas y aliéner sa personnalité. Plus on est gradé, plus on a tendance à se confiner dans l'orgueil, à penser qu'on est génial puisque la réponse des inférieurs sera forcément « oui ».

Sincèrement, ayant échappé au service militaire à une époque il était de moins en moins obligatoire, je les remercie chaque jour de pouvoir vivre ce que la plupart de mes contemporains ont connu bien des années plus tôt. C'est une expérience enrichissante sans réel espoir d'évolution.