DONALD CROWHURST : L'IMPOSTEUR MARITIME

« Son tempérament, comme son éducation ne le prédisposaient pas à se contenter d'une situation qu'il estimait indigne de lui... » 

Ce n'est pas le hasard qui a placé la rubrique « voiles » dans les sports mécaniques mais ce sont pourtant les hommes qui en ont écrits les plus belles pages. Cependant, il ne faut pas beaucoup de mains pour compter ceux qui ont fait le tour de la Planète Bleue. Certains avec beaucoup de talents et succès. D'autres n'ont fait que sortir du port. Et, il y a près de quarante ans, DONALD CROWHURST allait réaliser le tour du monde absolu...ment imaginaire.

L'histoire du Vendée Globe, seule course autour du monde en solitaire, sans escales et sans assistance, a réellement commencé le 1er juin 1968 sous le nom de « Golden Globe Challenge ». Initié par Sir Francis Chichester et le Sunday Times, elle fit découvrir au grand public un vainqueur : Robin Knox-Johnston, une légende naissante : Bernard Moitessier et, surtout, Donald Crowhurst qui allait devenir le plus grand mystificateur maritime.

Sous les caméras de la BBC, le 31 octobre 1968 (date limite de départ selon le règlement), Donald Crowhurst fut le dernier des neufs concurrents à s'élancer à bord de son trimaran de 12,50 mètres, « Teignmouth Electron ».

Imposture médiatique

Croyant « flairer » un vainqueur potentiel, la BBC acheta les droits télé et radio ; elle ne servit en fait de relais à la plus incroyable forfaiture que la course au large ait connue.

Tout d'abord, Donald Crowhurst ne donna signe de vie que les eux premières semaines avant de donner des positions hallucinantes faisant croire que son bateau était capable d'avaler 243 milles en une journée. Les abandons se succèdent et il devint vite la coqueluche de tous.

En fait, Donald Crowhurst n'est qu'un marin de deuxième catégorie. Né en Inde en 1932, il goute au confort colonial jusqu'à l'indépendance en 1947. Son père meurt subitement et, à 16 ans, il devient apprenti dans un collège technique. Militaire, il est renvoyé de la RAF pour indiscipline. Il fonde alors sa société, Electron Utilisation à Teignmouth qui commercialise un appareil de navigation de son invention. Ses affaires vont plutôt mal et il voit dans le Golden Globe un moyen de remonter la pente grâce à une opération médiatique. Ses connaissances radios (les transmissions se faisant à cette époque par Ondes Courtes), ajoutées au faible trafic maritime lui permettent de doubler, en toute simplicité, le Cap de Bonne Espérance puis le Cap Horn.

Peter Nichols, skipper lui aussi, et ancien de la Royal Air Force, voit en lui un homme meurtri, mal en point, ayant soif d'avenir et de projets à sa hauteur : « Son tempérament comme son éducation ne le prédisposait pas à se contenter d'une situation qu'il jugeait indigne de lui... »

Mais c'est un homme persuasif et charmeur qui parvient à embarquer dans le train de l'aventure sous les feux de la rampe médiatique.

Enthousiaste, la BBC annonce son arrivée imminente (avec, à la clé, la prime de 5000 Livres Sterling promise pour le tour du monde le plus rapide), lui organise une fête triomphale au large des Cornouailles (autour des iles Sorlingues).

Déchéance maritime

Donald Crowhurst ne doubla aucun des caps, préférant se laisser dériver au niveau du 35ème parallèle dans l'Océan Atlantique. A partir du 24 juin 1969, il ne donne plus signe de vie et commence un journal intime de 7 jours. L'échec était envisageable, une seconde place encore moins : la supercherie aurait rapidement été découverte. Son trimaran fut découvert en plein Atlantique avec, à l'intérieur, ses deux journaux de bord.

Le premier raconte sa véritable navigation autour du 35ème parallèle sans pour autant permettre de comprendre le processus mental de sa propre déchéance. Le second retrace sa route parfaite, imaginée, basée sur une « manipulation radioélectrique » : un document « plus vrai que vrai ». Son esprit avait échafaudé des dates et des positions cohérentes : « il y a entre l'Afrique et l'Amérique du Sud des zones éloignées des routes de navigation où jamais personne ne repèrerait un bateau... » Ainsi les routes et les caps de n'importe quelle heure, de n'importe quel jour étaient tracés. Ce qui, selon Nichols « était nécessaire pour tenir les médias informés ». Mais l'imposture fonctionne, l'Angleterre tient son héros...

Fin de route

Son testament, sorte de méditation philosophique sur la réinterprétation de la condition humaine, de plus de 25 000 mots écrits en 7 jours, laisse beaucoup de réponses en suspens mais semble lui convenir : « Mon esprit est maintenant tranquille. Je vous confie mon carnet de bord. La seule beauté est la vérité, personne ne doit et ne peut faire plus qu'il lui est possible. C'est la fin, la vérité est dite, j'arrête mon jeu à 11H50 ».


par Florian GALTIER

publié dans MELTING POL' (mars 2009)

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