ERIC ET SES PEN DUICK

« 64 : Tabarly gagne la Transat. La France ne sait pas ce qu'est la voile. On a un homme exemplaire. L'Homme de mer est exemplaire, il y en a un tous les siècles comme ça. Eric n'a jamais été inférieur à son destin. C'était mon Maître. Il était créatif, ingénieux. Dans le yatching, c'est très net. Il y a un avant et un après Tabarly. »

Olivier de Kersauson

Eric Tabraly

Pen Duick

Pen Duick II

Pen Duick III

Pen Duick IV

Pen Duick V

Pen Duick VI

Né en 1931 à Nantes, Eric Tabarly découvre la voile à l'âge de trois ans à bord d'Annie, le voilier familial et se passionne très tôt pour la course au large. En 1952, il s'engage dans la Marine nationale comme pilote dans l'aéronautique navale et est admis, en 1958, à l'Ecole des Elèves Officiers de Marine (EOM).

Pen Duick : un voilier sans numéro.

En 1938 son père Guy Tabarly, achète un ancien voilier construit en 1898 et dessiné par l'architecte naval William Fife, concepteur de nombrux voiliers pour la Coupe de l'America, qu'il rebaptise Pen Duick. Laissé à l'abandon depuis 1947 et dans un piteux état, il décide de le revendre en 1952, mais devant l'intérêt manifesté par son fils il lui laisse le bateau. 

Eric Tabarly commence à le remettre en état en 1956. Son état, considéré comme irréparable, oblige son nouveau propriétaire à utiliser la coque comme moule pour en construire une nouvelle en polyester. Il y consacre toutes ses maigres économies et dès 1959, Pen Duick navigue à nouveau et est engagé dans les courses anglaises du RORC entre 1960 et 1962 puis Eric Tabarly envisage de participer à la course transatlantique en solitaire (OSTAR) de 1964. A sa demande, il est mis en détachement spécial par la Marine nationnale, ce qui lui permet de naviguer librement tout en restant officier d'active. Aujourd'hui, toujours aussi rayonnant, Pen Duick continue de naviguer, souvent au large de l'Odet, ou participe à des réunions de vieux gréements comme "les Voiles de Saint Tropez".

Pen Duick II : le voilier de la médiatisation.

Afin de mieux se préparer à son futur défi, Eric Tabarly s'entraine sur un voilier de 9,65 mètres prêté par les frères Constantini, architectes navals, et très rapidement il se rend compte qu'il peut naviguer en solitaire sur un voilier plus grand et plus rapide. Avec l'aide de ces deux frères architectes, il conçoit spécialement Pen Duick II, un ketch de 13,60 mètres. Inconnu des connaisseurs anglo-saxons et du public français, il remporte la course en franchissant la ligne d'arrivée le 18 juin 1964 devant Francis Chichester, vainqueur de la première édition. Cet exploit fait découvrir la course à la France et son skipper est nommé chevalier de la Légion d'honneur par le Général de Gaule.

Pen Duick III : la domination sur les 5 océans.

Eric Tabarly, après avoir revendu son bateau victorieux en 1966 à l'école de voile de Beg Rohu,où il fut longuement exposé avant d'être remit à neuf en 1993 pour continuer de le faire naviguer à l'Ecole Nationale de Voile, envisage de participer à toutes les courses du RORC. Pour pouvoir mener à bien ces projets, il fait construire un monocoque gréé en goélette (deux mats de taille égale) de 17, 45 mètres pour pouvoir embarquer un équipage. Ce type de gréement permettait d'exploiter une faille du règlement de jauge dans lequel la surface de voilure entre les deux mats était sous-estimé dans le calcul du rating ( formule de calcul censée permettre de comparer deux bateaux différents entre eux). Eric Tabarly ne s'était pas trompé : en 1967, il remporte les sept courses auquelles il participe dont les fameuses Fasnet et Sydney-Hobart.

En 1989, Jean François Coste prend part à son bord à la première édition du Vendée Globe Challenge. Aujourd'hui Pen Duick III navigue encore et reste le seul bateau français à avoir gagné la course Sydney-Hobart.

Pen Duick IV : un muliticoque visionnaire.

Soucieux de rééditer son exploit de 1964, Eric Tabarly s'inspire cette fois des praos qu'il a découvert lors de ses courses dans l'émisphère Sud, pour imaginer un trimaran de 20,80 mètres de long pour 10,70 mètres de large. Donnés largement gagnant par les pronostiqueurs de l'époque, le bateau et son skipper, à cause du manque de temps de préparation, dû à une époque troublée, se présenteront au départ avec un manque évident de préparation et quelques jours après le départ durent abandonner suite à une collision avec un cargo provoquant une avarie irréparabale. Pourtant le bateau ne manque pas de qualités, et est même en avance technologique sur son temps. C'est ce que prouvrera Alain Colas, qui après l'avoir racheté (et rebaptisé Manureva),  remportera l'épreuve suivante en 1972, avant de disapraitre définitivement en 1978 lors de la première édition de la Route du Rhum.

Pen Duick V : un petit bateau pour un grand océan.

Eric Tabarly veut participer à la course en solitaire San Francisco-Tokyo. Le règlement d'alors limite la taille des bateaux à 35 pieds (10,67 mètres). Toujours soucieux de tirer profit de son expérience et doté d'un fort pouvoir d'anticipation, il imagine un bateau doté de ballasts latéraux pour augmenter la stabilité tout en diminuant et allégeant son lest. Cette conception ne fut pas du goût des organisateur qui essayèrent de le disqualifier, sans y parvenir. En 39 jours et 16 heures Tabarly remporte largement l'épreuve. Le bateau, devenu  propriété de la Marine Nationale, continue de naviguer aujourd'hui et est considéré comme l'ancêtre des actuels monocoques 60 pieds dont l'épreuve phare n'est autre que le Vendée Globe Challenge, le tour du monde en solitaire sans escales et sans assistance.

Pen Duick VI : un géant des mers.

Au début des années 70, les anglais imaginent une nouvelle course : la Whitbread, une course autour du monde en équipage avec escales. L'idée n'est pas faite pour déplaire à Eric Tabarly, mais pour cela il lui faut un nouveau bateau. Il imagine alors un ketch de 22,25 mètres de long en aluminium avec une quille en uranium appauvri et réunit pour l'occasion un équipage de gros bras pour barrer ce bateau de plus de 32 tonnes. Une fois de plus il est donné favori par les pronostiqueurs. Hélas, cette édition de 73-74 ne va pas lui être favorable : de nombreuses avaries ainsi que deux démâtages auront raison de lui. Il finit par abandonner. Pourtant ce bateau est jugé très performant et gagne même la course du Triangle Atlantique en 1975. Eric envisage de le prêter à son fidèle second, Olivier de Kersauson, pour la course Londres-Sydney-Londres. Mais contre toute attente, il se ravise et décide de l'engager pour l'édition 1976 de l'OSTAR, dont le précédent vainqueur n'est autre que son ancien coéquipier Alain Colas. Ce dernier s'engage à bord de son incroyable monocoque de 70 mètres de long, Club Méditerranée. Beaucoup doutent de ses capacités à mener en solitaire un bateau conçu pour un équipage de 14 personnes et de ses réelles motivations. Et c'est pourtant, alors que tout le monde le croyait perdu, suite à un silence radio dû à une panne, qu'Eric Tabarly franchit une fois de plus la ligne d'arrivée en vainqueur d'une course qui le révéla à la France entière. Depuis Penduick VI a continué à s'aligner sur de nombreuses courses et navigue maintenant en tant yacht de croisière.

Un homme, des bateaux, une légende.

Eric Tabarly est toujours passé pour un taiseux aux yeux des médias, un homme difficile à cerner, énigmatique et une idôle aux yeux des français. Ses équipiers s'illustrèrent par la suite dans de nombreuses courses, en équipage ou en solitaire, en monocoque ou en multicoque. Ses nombreuses innovations technologiques sont toujours d'actualité et ne cessent d'être améliorées. L'homme semble toujours difficile à cerner mais son influence, 20 ans après sa disparition , reste toujours importante. Certains parlant même d'une « école française de la course au large ». Sans doute est-il le plus à même de se définir : « Je ne suis ni misanthrope, ni mysogyne, ni marginal, et (...) je m'intéresse à la vie de notre planète. Mais le bateau est vraiment le seul domaine qui me captive, qui alimente mes idées novatrices ».

Aujourd'hui l'ensemble des Pen Duick  continue de naviguer grâce à l'association Eric Tabarly.

par Florian GALTIER

Avril 2018

Florian Galtier - Bloggueur à l'essai
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